J.O. Numéro 96 du 24 Avril 2002
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Texte paru au JORF/LD page 07314
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Rapport au Premier ministre relatif au décret no 2002-560 du 18 avril 2002 approuvant les schémas de services collectifs
NOR : ATEX0205516P
La loi no 99-553 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire a substitué au schéma national d'aménagement et de développement du territoire prévu par la loi no 95-115 du 4 février 1995 neuf schémas de services collectifs adoptés par décret.
Ces schémas sont destinés à mettre en oeuvre les choix stratégiques de la politique nationale d'aménagement et de développement durable du territoire. Ils relèvent d'une nouvelle conception de la planification, fondée sur les dynamiques territoriales et intégrant pleinement les impératifs du développement durable.
Sur la base d'un diagnostic approfondi et de perspectives de long terme, les schémas déclinent les objectifs que se donne l'Etat pour l'organisation et l'accessibilité des services collectifs propres à neuf politiques publiques structurantes : l'enseignement supérieur et la recherche, la culture, la santé, l'information et la communication, les transports de marchandises et les transports de voyageurs, l'énergie, les espaces naturels et ruraux et le sport.
Destinés tout particulièrement à constituer un outil de pilotage et un cadre de référence pour l'action publique contractualisée, notamment les contrats de plan Etat-région, les documents uniques de programmation et d'autres procédures contractuelles territoriales ou sectorielles, les schémas déclinent des orientations nationales en tenant compte de la diversité des territoires, dans une perspective de planification différenciée.
C'est pourquoi ils ont fait l'objet d'une élaboration concertée qui s'est déroulée en plusieurs phases, en privilégiant la participation active des acteurs publics et privés territoriaux en région.
Au terme de leur élaboration par les comités nationaux, ils ont fait l'objet d'une vaste consultation régionale et nationale, dont le Gouvernement a très largement tenu compte pour arrêter la version définitive des schémas de services collectifs, annexés au projet de décret.
Les principes qui ont présidé à leur élaboration peuvent être retracés de la façon suivante :
Trois priorités ont été retenues :
- définir de nouvelles formes de développement permettant de préserver la qualité du cadre de vie, la richesse de nos territoires et la diversité de leurs ressources culturelles et naturelles ;
- promouvoir une organisation solidaire de territoires ruraux et urbains complémentaires, dans des cadres territoriaux rénovés, où se déploient les initiatives de l'ensemble des acteurs et la participation citoyenne à la décision publique ;
- susciter des dynamiques régionales, portées par la métropolisation et l'internationalisation, grâce à l'élévation du niveau des équipements et des services essentiels à la modernisation de la société : l'éducation, la culture, la santé, le sport.
Centrés sur la satisfaction des besoins collectifs, au plus près des attentes quotidiennes de nos concitoyens, les schémas organisent à un horizon de vingt ans des politiques publiques structurantes pour le développement des territoires et le rayonnement international de la France.
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La France a pu surmonter certains handicaps hérités du passé (régions agricoles non modernisées, structures industrielles inadaptées ou dépassées, infrastructures de réseaux sous-équipés) et valoriser ses atouts, au sein de l'espace européen. Armé d'un appareil de formation et de recherche de grande renommée et d'un modèle exemplaire de protection sociale, le territoire français est attractif. Attractivité dont témoignent l'implantation d'investissements et de cadres étrangers ainsi que le succès rencontré en matière de tourisme.
Elle a trouvé un meilleur équilibre qui traduit également les effets obtenus par les politiques d'aménagement du territoire, conjuguées aux acquis de la décentralisation. Longtemps écrasant, le poids démographique de la région parisienne s'est progressivement stabilisé. Désormais, l'ensemble des économies régionales se développe, en de multiples pôles, sur la base d'équipements collectifs et de réseaux d'infrastructures beaucoup plus étoffés.
Les grandes métropoles régionales progressent aujourd'hui pour la plupart à un rythme plus rapide que celui de la région capitale et les dynamiques le long des corridors fluviaux et des façades maritimes se renforcent. Le semi-urbain très dense de villes petites et moyennes, très spécifique à la France, offre une couverture en équipements publics de qualité. Dans les espaces à dominante rurale, les zones en déclin démographique se réduisent alors que de nombreux territoires ruraux retrouvent une nouvelle croissance.
Enfin, la France a su préserver et valoriser son cadre de vie et sa diversité culturelle. Parmi les grandes nations industrialisées, où concentration urbaine et uniformisation des modes de vie sont souvent la règle, la France dispose aujourd'hui d'avantages remarquables : diversité des identités et des traditions régionales et locales, richesse écologique et paysagère sans équivalent en Europe, abondance de l'espace et présence aux « quatre coins » du monde.
La France d'aujourd'hui, moins centralisée, n'est plus celle de « Paris et du désert français ». L'essor et l'attractivité des régions du Sud-Est se confirment ; l'Ouest et le Sud-Ouest ont opéré en deux décennies un véritable renouveau économique : le Nord et l'Est sont désormais engagés dans de nouvelles dynamiques en profitant de leur situation transfrontalière ; l'outre-mer peut désormais tirer pleinement parti de son positionnement stratégique.
Ainsi, modernisé et désormais pleinement intégré à l'Europe, le territoire français n'en connaît pas moins des disparités et des déséquilibres qui exigent plus que jamais attention et initiative.
Si les écarts de revenus entre territoires continuent de se réduire sous l'effet des politiques redistributives de l'Etat et des mécanismes de protection sociale, certains phénomènes de relégation voire d'exclusion territoriale perdurent.
Les territoires en souffrance, accumulant difficultés sociales, faible croissance économique et dégradation du cadre de vie, sont souvent situés au sein même des aires urbaines les plus dynamiques. D'autres espaces offrant à l'écart des grandes métropoles une meilleure qualité de vie subissent un affaissement de leur tissu productif et dépendent de plus en plus des emplois publics et des ressources de transfert, ce qui accentue leur vulnérabilité.
Facteurs, entre autres, de ces phénomènes d'exclusion, les modes d'urbanisation sont désormais un des enjeux majeurs de l'aménagement du territoire. L'extension des banlieues, puis, à partir du milieu des années 1970, la diffusion de la péri-urbanisation ont conduit à un changement d'échelle radical de la taille et de l'extension des villes. Grâce aux communautés urbaines ou aux communautés d'agglomération, ce processus peut donner naissance à de nouveaux pôles structurés, mais il est aussi de nature à remettre en cause le modèle urbain européen.
Quant aux communes rurales, si celles en périphérie des villes ont accueilli l'essentiel de la croissance démographique de ces dix dernières années, près du quart d'entre elles sont affectées par des processus de dépeuplement, posant de redoutables problèmes d'aménagement.
Demeurent enfin de forts déséquilibres qui distinguent les régions les plus dynamiques des autres.
A l'exception de l'Ile-de-France, qui constitue par son rayonnement mondial un atout national, la plupart des métropoles régionales sont encore insuffisamment puissantes et autonomes pour rivaliser avec celles qui existent au Benelux, en Allemagne ou encore en Italie du Nord.
C'est pourquoi le renforcement de l'armature urbaine doit être poursuivi, de même que les stratégies de meilleure répartition des fonctions tertiaires supérieures, souvent encore majoritairement localisées en Ile-de-France.
La réponse à ces nouveaux déséquilibres se construit aussi par des dynamiques territoriales locales dans lesquelles s'impliquent de plus en plus nos concitoyens.
Les perspectives les plus favorables qui s'offrent aujourd'hui au développement régional sont le fruit de la décentralisation, dont une nouvelle étape a été engagée en 2001. Cette plus grande proximité de décision a bien sûr favorisé une meilleure administration des problèmes complexes que pose la gestion des territoires. Elle a surtout permis de mettre les territoires en mouvement grâce à l'intercommunalité, d'encourager les initiatives locales et de susciter l'intérêt et l'implication des Français dans les sujets qui concernent leur vie quotidienne comme leurs projets de plus long terme.
L'émergence des « territoires de projets », que sont les agglomérations et les pays, facilite la recomposition des territoires. Désormais encadrés par des textes législatifs, ils répondent à une attente forte de nos concitoyens : mieux organiser, à l'échelle des « espaces vécus », les enjeux de mobilité, d'accessibilité aux services, de conflits, d'usages, de développement économique comme de solidarité. L'intérêt rencontré, sur l'ensemble du territoire, pour ces formes d'organisation, privilégiant la démocratie participative et la concertation, traduit bien le choix des élus locaux et de leurs partenaires de mieux prendre en compte ces nouvelles aspirations.
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Certaines évolutions majeures prévisibles résultent des perspectives démographiques et économiques, nationales et européennes.
Sous l'effet conjugué de l'allongement de la durée de vie et du niveau de la fécondité, la France vieillit. En l'absence d'évolution de la natalité et des flux migratoires, un Français sur quatre aura plus de 65 ans en 2020.
Cette nouvelle pyramide des âges crée aussi de nouveaux besoins : un troisième âge « rajeuni » dans ses aspirations à la mobilité et aux loisirs ; des populations actives connaissant des rythmes de vie très denses où le temps libre l'emporte sur le temps travaillé ; de nouvelles générations moins nombreuses.
Concilier travail et loisirs, vie privée et activités collectives, attachement à son chez-soi et désir d'être mobile, impliquera des exigences de plus en plus complexes. A la nécessité de services de qualité pour tous s'ajoutera l'exigence d'une offre adaptée à chacun.
Les conséquences de l'urbanisation étalée, engagée depuis les années soixante-dix, se font d'ores et déjà sentir, dans la localisation des services collectifs. Nos concitoyens attendent de plus en plus de disposer à proximité immédiate, et non dans les seuls centres-villes, de l'ensemble des services qu'ils attendent de la société.
Réservé jusqu'à présent aux espaces de résidence et de travail, ce maillage des services pourrait aussi désormais s'élargir à d'autres lieux : espaces de loisirs, de la sociabilité ou encore de la culture qui constituent le support d'une autre manière d'habiter les territoires. Les déplacements de nos concitoyens tendent désormais à refléter de plus en plus ce phénomène de « multiappartenance » territoriale, y compris dans les pratiques les plus quotidiennes.
Enfin, en raison de l'attraction exercée par les villes, le littoral, les espaces ensoleillés, les perspectives démographiques à 2020 s'annoncent très variables selon les régions, avec la poursuite de croissances plus fortes dans le Bassin parisien et les régions méridionales, et également dans l'outre-mer. Vraisemblablement, les migrations des retraités, définitives ou saisonnières, entreront pour une large part dans ces évolutions, avec les conséquences induites en termes de services collectifs adaptés.
La France est largement engagée dans la société de l'information. C'est une révolution culturelle avant même d'être technologique, sachant que l'apprentissage collectif des nouvelles technologies et leur diffusion à l'ensemble de la société sont nécessairement progressifs et qu'ils n'ont pas encore fait sentir tous leurs effets.
Cette révolution place le savoir au premier rang des facteurs de production et de compétitivité pour une large partie du système productif ; elle inscrit également l'information et la communication au coeur de l'organisation sociale et du fonctionnement des services collectifs ; elle renforce, enfin, l'exigence d'un niveau d'éducation très élevé.
Se développe ainsi l'économie tertiaire, celle des services aux entreprises, des services aux ménages ou celle des activités récréatives, culturelles et sportives qui représentent dorénavant la part prépondérante de la croissance en emplois. L'économie du savoir et des services crée également de nouvelles perspectives de développement tout comme elle suscite de nouvelles attentes.
L'accès aux réseaux immatériels de la connaissance constitue désormais une condition du développement économique, social et culturel, auquel chaque territoire doit avoir accès. Ainsi, les capacités de recherche et développement demeurent un facteur clef du dynamisme et de l'attractivité des territoires ; elles doivent en conséquence s'inscrire dans des logiques de réseaux.
La forte sensibilité de nos concitoyens aux aléas, tout particulièrement ceux qui touchent directement à la qualité de vie et à la sécurité, constitue désormais une donnée primordiale, qu'il s'agisse d'enjeux environnementaux, industriels, sanitaires ou encore alimentaires.
D'un point de vue environnemental, les engagements et les responsabilités de la France dans la lutte contre le changement climatique impliquent des évolutions significatives dans la production et la consommation d'énergie, dans l'organisation des transports de marchandises comme des déplacements des personnes. Ils conduisent à reconsidérer les formes d'urbanisation contemporaines.
Dans les espaces très fréquentés ou urbanisés, la dégradation qualitative et quantitative des ressources en eau, du sol et de la biodiversité, la pollution de l'air, l'extension des zones de bruit, l'accumulation excessive des déchets, le morcellement des espaces naturels, agricoles et forestiers et l'uniformisation de certains paysages ont de très fortes conséquences économiques et écologiques. Cela exige des stratégies de reconquête, d'anticipation et de sensibilisation.
A l'inverse, pour certaines zones rurales à l'écart des influences urbaines, à faible potentiel agronomique et fragilisées par l'évolution de la politique agricole et ses conséquences sur les systèmes d'exploitation, de nouveaux modes de gestion territoriale et de nouveaux ressorts de développement sont à promouvoir.
La construction européenne constitue le nouveau cadre dans lequel se développent toutes ces transformations. Une nouvelle géographie du continent se dessine à l'occasion de l'élargissement de l'Union européenne.
La plupart des pays de l'Europe centrale et de l'Europe orientale, longuement séparés de l'Europe de l'Ouest, auront rejoint, au cours des deux prochaines décennies, l'Union européenne. Par une intégration culturelle, sociale et politique, ces pays connaîtront de profondes transformations qui devraient profiter à la croissance européenne dans son ensemble. La France, qui jusqu'alors par sa position géographique médiane articulait Europe du Nord et Europe du Sud doit, en conséquence, se repositionner. Il lui appartiendra en particulier d'oeuvrer à la cohésion de l'espace euro-méditerranéen, tout en valorisant les régions ultrapériphériques.
Une plus grande intégration européenne, en premier lieu par la mise en oeuvre de l'euro, favorise les coopérations internes et externes. De nouveaux ensembles vont apparaître autour de solidarités géographiques : les bassins hydrographiques comme ceux du Rhin et du Danube, les massifs montagneux comme les Alpes et les Pyrénées, les régions transfrontalières, lieux de passages et d'échanges privilégiés ou encore les grandes façades maritimes comme celles de la Méditerranée, de l'Atlantique, de la Manche et de la Mer du Nord.
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C'est une France à la fois plus équilibrée, plus solidaire et plus compétitive qu'il nous faut bâtir autour d'une organisation polycentrique et au sein d'une Europe qui veille au développement multipolaire de ses composantes.
Cette ambition requiert l'action conjointe de l'Etat, des collectivités locales et de l'ensemble des acteurs économiques et sociaux au profit d'un véritable développement solidaire de tous les territoires, du renforcement de la compétitivité économique de la France en Europe et dans le monde, de la maîtrise des risques et des enjeux environnementaux.
Pour ce faire, les neuf schémas de services collectifs définissent les conditions de déploiement des grands réseaux matériels et immatériels, vecteurs de la mobilité et des échanges avec l'espace européen et mondial, l'organisation et l'accessibilité des services de proximité ainsi que les principes d'une gestion raisonnée des espaces naturels et ruraux.
Les schémas de services collectifs prennent en compte les forts écarts de densité, la variété des formes de peuplement et l'éventail des systèmes territoriaux qui caractérisent le territoire français. Ils anticipent les impacts nécessairement contrastés selon les territoires des prochaines évolutions démographiques, technologiques, sociales et culturelles et veillent aux nécessaires rééquilibrages. Ils s'appuient sur les stratégies régionales de développement, enrichies des projets locaux et des dynamiques de recomposition des territoires, telles que les acteurs les construisent. Les politiques contractuelles constitueront d'ailleurs une des modalités privilégiées de mise en oeuvre des orientations et choix stratégiques arrêtés par les schémas, qui feront l'objet d'un suivi et d'une évaluation dans le même esprit de concertation que celui qui a présidé à leur élaboration.
Cette relance de la planification stratégique territoriale, centrée sur les services, se décline ainsi en trois grands objectifs :
- favoriser le développement local par la décentralisation et par l'association des citoyens aux décisions publiques : de multiples acteurs sont concernés par les politiques d'aménagement et de développement des territoires : pouvoirs publics, socioprofessionnels, associations, habitants... Ainsi les territoires organisés en agglomérations et en pays, fondés sur des espaces caractérisés par de fortes solidarités humaines, sociales, économiques et culturelles, exprimant des interdépendances croissantes, sont un des cadres privilégiés de mise en oeuvre des schémas de services et l'élaboration des projets de développement dans ces territoires permettra l'association des différents acteurs de l'aménagement du territoire.
- valoriser les réseaux de croissance et de solidarité dans chaque région : la cohésion territoriale constitue un objectif prioritaire des politiques d'aménagement et de développement. Chaque fraction du territoire est appelée à s'inscrire dans un espace de solidarité construit sur des partenariats institutionnels et économiques. Les schémas ont vocation à tenir compte de leur diversité, qu'il s'agisse d'identifier des territoires d'intervention prioritaire ou des pôles à partir desquels l'ensemble des territoires doivent être desservis.
- faire exister à côté de la région capitale plusieurs ensembles d'envergure internationale : fruits de la coopération internationale, ces ensembles doivent pouvoir dialoguer d'égal à égal avec leurs homologues européens. Au sein de ces ensembles, le renforcement des métropoles régionales devra être conçu en termes qualitatifs plutôt que quantitatifs. Compte tenu des spécificités du territoire français, l'organisation des villes en réseaux à partir d'ensembles doit être encouragée sur la base de coopérations interrégionales et parfois transfrontalières mieux structurées.
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Combinant prescription, incitation et régulation, les schémas de services collectifs permettront ainsi à tous les acteurs des politiques d'aménagement et de développement du territoire de disposer d'un cadre de référence.
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Tel est l'objet du présent décret que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.